Eugène Jules Charles CHARET
Maitre au cabotage patron de remorqueur
33 sorties en mer
13 équipages et 185 personnes sauvées
1 sauvetage individuel



Mathilde – Marguerite HAUTRIVE 1909


M. Charet est un enfant de Dunkerque, comme Jean-Bart ; mais il ne s’est pas signalé, comme son illustre compatriote, en combattant les Anglais.
S’il a couru sus à leurs navires, c’était pour les secourir et les conduire au port.
Chaque époque a ses exigences et son genre d’héroïsme. Il n’avait pas dix-neuf ans, lorsqu’il opéra son premier sauvetage, en se jetant à la mer sur la côte d’Irlande pour « sauver une femme qui se noyait au milieu des glaçons ».
Deux de ses fils seront élevés à la dignité de Grand Officier de la Légion d’Honneur
Etat civil
8 juillet 1839 Naissance à Dunkerque
1906 Recensé 13 rue du Jeu de Paume (Dunkerque)
3 décembre 1909 Décès à Dunkerque
Données généalogiques
Fils de Félix CHARET (Horloger) né le 01/01/1818 à Calais et
Virginie FOCKHENBERGUE née 30/11/1816 à Dunkerque
Mariage le 10 janvier 1865 avec Pauline Antoinette GILLIE né le 29/06/1831 (Dunkerque)
Pauline Alexandrine 1866 – 1868
Jules Charles Edouard né à Dunkerque le 11 février 1869
Commissaire principal de marine
Grand Officier de la Légion d’honneur pour son comportement au front en 1918
Charles Eugène né à Dunkerque le 28/12/1870 Décédé à Dijon le 13/09/1950
Général de division Grand Officier de la Légion d’honneur
Vie professionnelle
Marine nationale Service militaire 3 ans et 1 mois
Commerce 34 ans
Commandant des remorqueurs:
INDUSTRIE COMMERCE MARINE PROGRES DUNKERQUOIS
Il finira directeur des services techniques de la Chambre de Commerce
Décorations
28/12/1885 Chevalier de la Légion d’Honneur Dossier LH/489/231876
1877 Chevalier du mérite naval d’Espagne
1880 Chevalier de l’ordre de la Couronne d’Allemagne
1882 Croix d’or de 2° classe de l’Ordre de François-Joseph d’Autriche
1885 Chevalier de l’ordre de Sainte Anne de Russie
.
Discours de remise de la Légion d’Honneur
Sauvetages et sorties en mer – Décorations et récompenses
1856
Premier sauvetage à 17 ans en se jetant à la mer sur la côte d’Irlande pour sauver une femme qui » se noyait au milieu des glaçons »
1876
Témoignage de satisfaction – pour ses qualités de pilote.
14/01 Sauvetage du CYDONIA – 7 personnes sauvées
Témoignage de satisfaction – Ministre de la Marine
Médaille de bronze – SCSN
09/08 Sauvetage du GRACE DE DIEU – Equipage sauvé
1877
25/11 Sauvetage du ISABEL – 13 personnes sauvées
Témoignage de satisfaction
Chevalier du mérite naval d’Espagne
Médaille d’or d’Espagne
1878
25/01 Sauvetage du BREEDALICK – Equipage sauvé
31/01 Sauvetage d’un trois-mâts américain – 2 personnes sauvées
19/09 Sauvetage du COMMERCE – 40 personnes sauvées
19/09 Sauvetage du SAINT WAASL – Equipage sauvé
05/11 Sauvetage du JANET FORBES – Equipage sauvé
Témoignage de satisfaction
1879
01/04 Sauvetage du ADOLF TIDERMAN – 7 personnes sauvées
Nc Sauvetage du MIRANDA – Equipage sauvé
Nc Sauvetage du MONITOR – Equipage sauvé.
24/03 Assistance au RAPID
8/12 Assistance au EUGENIE-LEONIE – 13 personnes sauvées
Médaille d’argent -SCSN
Médaille d’argent 1° classe – Ministre de la Marine
Nc Sauvetage du DUNKERQUOISE – 10 personnes sauvées
1880
11 Sauvetage du LIONNE – 5 personnes sauvées
08/11 Sauvetage du NEPTUNE – 11 personnes sauvées
Chevalier de l’ordre de la Couronne d’Allemagne
1881
08/03 Sauvetage du DUPUY DE LOME – Equipage sauvé
Nc Sauvetage d’un trois-mâts britannique – Equipage sauvé
1882
10/06 Sauvetage du ADOLPHE-AUGUSTINE – 4 personnes sauvées
Médaille d’or 2°
24/10 Sauvetage du IRENE – 11 personnes sauvées
Croix d’or de 2° classe de l’Ordre de François-Joseph Autriche
24/10 Sauvetage du MAASMOUND VI – 7 personnes sauvées
19/11 Sauvetage du LES DEUX MONDES – Equipage sauvé
13/11 Sauvetage du MINERVE – 5 personnes sauvées
19/11 Sauvetage du DEUX MARIE – 6 personnes sauvées
19/11 Sauvetage du INES – 1 équipage sauvé
1883
mars Sauvetage du ROSA – 11 personnes sauvées
11/12 Sauvetage du ALEXANDRE II – Equipage sauvé
12/01 Sauvetage du BON PERE ET LA BONNE MERE – 7 personnes sauvées
Médaille d’or 1° Ministre de la Marine
1884
Médaille d’or Services rendus
24/01 Sauvetage du ALICE – 11 personnes sauvées
1885
29/06 Sauvetage du OPHELIA – Equipage sauvé
Chevalier de l’ordre de Sainte Anne de Russie
1888
29/06 Assistance au AAYOT – Equipage sauvé
1890
18/10 Sauvetage du VESTERVIG – 6 personnes sauvées
1894
27/01 Sauvetage du PROVIDENCE DE DIEU – 8 personnes sauvées
Discours de remise de la légion d’honneur au titre de Chevalier
M. Charet est un enfant de Dunkerque, comme Jean-Bart ; mais il ne s’est pas signalé, comme son illustre compatriote, en combattant les Anglais. S’il a couru sus à leurs navires, c’était pour les secourir et les conduire au port. Chaque époque à ses exigences et son genre d’héroïsme. Malgré mon admiration pour M. Charet, je ne songe pas à le mettre sur la même ligue que cet immortel marin, que ce grand homme de guerre qui, devenu de matelot, chef d’escadre, dans ce siècle de privilèges, brûla, en une seule campagne, 80 navires aux Anglais dans la Manche, et rentra triomphant dans Dunkerque, sa ville natale, qu’il venait de débloquer et de ravitailler tout à la fois. Je ne suis pas de ceux qui regardent la guerre comme une nécessité sociale et ses triomphes comme la plus haute expression de la grandeur nationale. Je ne suis pas de ceux qui n’ont d’admiration que pour ses fêtes sanglantes, et pourtant j’aurais aimé vivre à aune époque où les marins de France faisaient de ces choses-là. Revenons au capitaine Charet, qui me pardonnera, je l’espère, cette digression.
Lui aussi a commencé sa carrière comme mousse, et il n’avait pas dix-neuf ans, lorsqu’il opéra son premier sauvetage, en se jetant à la mer sur la côte d’Irlande pour sauver une femme qui se noyait au milieu des glaçons. Tous deux auraient infailliblement péri sans une embarcation qui vint à leur secours. Après avoir fait son temps de service à bord des navires de l’Etat, M. Charet a navigué successivement comme lieutenant et comme second sur des navires de commerce.
Nommé maître au cabotage le 20 juillet 1865, il commanda de petits navires à voiles ou à vapeur, jusqu’au 1er septembre 1874, époque à laquelle il fut nommé capitaine des remorqueurs de Dunkerque. Il a successivement commandé en cette qualité : l’INDUSTRIEL, le COMMERCE, la MARINE, le PROGRES et en dernier lieu le DUNKERQUOIS, sur lequel il est encore actuellement. C’est avec ces différents navires qu’il a accompli les nombreux sauvetages dont je vais vous rendre compte.
Avec le remorqueur MARINE, il a sauvé deux matelots du brick anglais SIDONIA, perdu sur les basses de Flandre. Le 9 août 1876, sauvetage du bateau de pêche la Grâce-de-Dieu.
Sur le remorqueur le PROGRES le 25 novembre 1877, sauvetage de l’équipage du trois-mâts espagnol ISABEL opéré dans des circonstances très difficiles. Le Progrès, ne pouvait s’approcher du navire sans s’exposer lui-même au plus grand danger, parvint à établir un va-et-vient et à recueillir un à un les 12 hommes de l’équipage et un pilote belge.
En 1878, nous enregistrons encore au compte de M. Charet 4 nouveaux sauvetages. Le 25 janvier il porte secours au trois-mâts norvégien BREIDALICK. Dans la nuit du 31, il sauve un trois-mâts américain qui allait sombrer à sept milles à l’Ouest du port. Il recueille le capitaine et un pilote anglais restés seuls à bord. Le 19 septembre, au milieu de la nuit, il appareille pour aller au secours de l’allège le COMMERCE, en détresse près de la jetée de l’Est, et ramène les 40 ouvriers qui se trouvaient à bord, ainsi que l’équipage d’une autre allège, le SAINT WAASL. Deux mois après, le 5 novembre, il sauve le trois-mâts anglais JANET FORBES. L’année 1879 a fourni à M. Charet l’occasion d’accomplir 7 nouveaux sauvetages, celui d’une embarcation du trois-mâts norvégien ADOLPHE TIDEMAN, montée par 7 hommes ; Ceux du brick norvégien, d’un brick français échoué sur le Breedbanck ; du vapeur anglais MIRANDA et de sa cargaison ; du trois-mâts suédois MONITOR et de son équipage. En sixième lieu, sauvetage pendant la nuit, du trois-mâts français EUGENIE LEONIE, sombré en rade de Dunkerque. Et enfin, sauvetage, à 9 heures et demie du soir, des 7 hommes de l’équipage de la goélette la DUNKERQUOISE, en perdition sur le banc de BrodersDune, et de trois passagers belges qui se trouvaient à son bord. C’est à cette époque que M. Charet prit le commandement du remorqueur le DUNKERQUOIS et c’est avec ce navire qu’il a accompli les 14 sauvetages dont il me reste encore à vous parler. En 1880, il a porté secours à la canonnière de l’État le LIONNE, drossée sur la jetée Ouest du port, le 8 du même mois, avec l’aide du canot de la Société, il a sauvé l’équipage de la goélette allemande le NEPTUNE, composée de neuf hommes et de deux pilotes. Il fut, pour ce fait, nommé chevalier de l’ordre de la Couronne d’Allemagne.
Le 8 mars 1881 nouveau sauvetage, celui du trois-mâts le DUPUY DE LOME et de son équipage. Enfin, il termine son année en sauvant un trois-mâts anglais, en perdition sur la rade de Dunkerque. Le Comité des assurances maritimes de Paris lui offrit, pour récompense, un chronomètre en or.
J’ai passé sous silence les félicitations adressées à M. Charet, par la Chambre de commerce de Dunkerque, pour son concours, lors de
l’incendie des ateliers et magasins des ponts et chaussées. En 1882, nous trouvons encore à l’actif de M. Charet, quatre nouveaux sauvetages. Celui du lougre ADOLPHE AUGUSTINE et de son équipage ; Celui du trois-mâts autrichien IRENE et de la drague hollandaise MASMOUND VI. Le gouvernement autrichien lui décerna à cette occasion la croix d’or de 2° classe de l’ordre de François-Joseph, et le gouvernement hollandais, une médaille d’argent. De nombreux témoignages de satisfaction lui furent envoyés en même temps. Le 19 novembre, il sauve le brick français les DEUX MONDES, en perdition dans la rade de Dunkerque et reçoit à la fin de cette même année, de la Société centrale, une nouvelle médaille d’or. Le 22 mars 1883, à neuf heures du soir, M. Charet appareille pour aller à la recherche du trois-mâts norvégien POSA en détresse dans le Pas-de-Calais. Il le rencontre à quatre heures du matin sur le banc de Colbart. Ce malheureux navire abandonné, démâté, sans gouvernail, flottait entre deux eaux. Malgré la tempête, M. Charet parvint à faire passer sur cette épave quelques hommes de son bord et à la conduire à Boulogne.
La plupart des sauvetages que je viens de faire passer sous vos yeux, vous en avez sans doute fait la remarque, ont pour objet des navires étrangers. C’est que hélas ! Le pavillon français ne couvre plus les mers. Ce sont d’autres couleurs que les nôtres qu’on y voit flotter, mais qu’importe ! La question de pays disparaît devant la solidarité professionnelle. Ce sont des étrangers, qu’importe ! Ce sont des ennemis de la veille ou des ennemis du lendemain, qu’importe encore ! En présence du naufrage, il n’y a plus que des marins ; le
navire en détresse n’a plus de nationalité. Quand le pavillon est en berne, il n’a plus de couleur : Il s’appelle le drapeau de l’humanité. Et puis, ces gens-là ne sont pas soutenus seulement par le sentiment du devoir et de la solidarité professionnelle, ils ont un mobile plus élevé, et quand ils mettent le pied dans leur canot de sauvetage, ils pourraient dire comme le grand archer d’Altorf :
« Oui le péril est grand, mais le pilote est là ! »
L’œuvre qu’ils accomplissent a du reste, une portée plus haute que celle qui se mesure au nombre des existences sauvées. C’est une protestation et un exemple ; lorsque l’esprit d’individualisme et de personnalité est à ce point prépondérant dans les sociétés modernes, il est bon, il est indispensable, qu’il reste quelque part un foyer où s’entretienne le feu sacré de l’abnégation et du sacrifice, afin qu’il ne s’éteigne pas tout à fait et qu’on puisse le rallumer un jour. L’Œuvre du sauvetage est un de ces tranquilles foyers dont la douce
lueur ne s’affaiblira plus à la condition, toutefois, qu’on l’alimente, et les Vestales qui doivent entretenir ce feu là, je n’ai pas besoin de les nommer : ce sont les donatrices de la Société, et c’est à leur cœur généreux, à leur gracieux patronage que je veux faire appel en terminant ce rapport. La Société n’a pas encore complété son réseau de sauvetage. Elle a encore bien des stations, bien des postes de secours à créer, et son œuvre ne sera terminé que le jour où il ne se trouvera plus, sur les sept cents lieues de son littoral, un récif
où vienne s’échouer un navire, sans qu’une de nos embarcations se porte immédiatement à son secours. Tout ce matériel coûte cher, mais ce n’est pas une question pour vous, Mesdames. Lorsque ces braves risquent si généreusement leur vie, qui est leur capital à eux, et qui représente le pain de leurs femmes et de leurs enfants, vous ne voudrez pas rester en arrière, vous ne voudrez pas qu’on dise que les femmes françaises restent sourdes lorsqu’on leur fait appel au nom de l’humanité et du patriotisme. Dans le mois de décembre, sauvetage du brick français ALEXANDRE en détresse à l’Est du port de Dunkerque et du navire le BON PERE ET BONNE MERE. Ce dernier a été plus particulièrement remarquable. Le temps était extrêmement mauvais, la mer très grosse ; le DUNKERQUOIS et le canot de sauvetage étaient sortis en même temps, pour aller au secours du navire en détresse ; le canot ne parvint à l’accoster qu’après quatre tentatives infructueuses, et, à plusieurs reprises, le DUNKERQUOIS faillit tomber sur ses chaînes et l’aborder. Entraînés par le brick qui chassait rapidement sur ses ancres, le canot s’en alla en dérive tout près de la côte, et le DUNKERQUOIS qui le suivait ne réussit à passer la remorque qu’après avoir talonné plusieurs fois.
Une médaille d’or de 1e classe décernée par le Ministre de la marine, le 27 mars 1884, fut la récompense de ce brillant sauvetage. Il ne nous en reste plus que deux à enregistrer ; celui du trois-mâts français l’ALICE, échoué sur le Break Banck, le 23 janvier 1884, et celui du trois-mâts russe OPHELIA, en détresse sur la rade de Dunkerque, le 29 juin 1885. L’énumération, un peu monotone, de ces quarante sauvetages, a dû sans doute fatiguer un peu, mais ce n’est pas ma faute si cet infatigable capitaine a sauvé tant de bâtiments et si bien gagné ses dix médailles, les deux décorations étrangères qu’il porte, et celle que nous allons lui offrir. Venez donc, venez, capitaine, au milieu des dignitaires de l’Ordre, recevoir la décoration de chevalier de la Légion d’honneur !
Aucun de ceux qui vous entourent n’est plus digne de la porter.
Sources
Société Centrale de Sauvetage des Naufragés 1866 – 1939
Base Léonore Dossier de la Légion d’Honneur
BNF Gallica Portrait du monde illustré 1887
Presse diverse ‘L Autorité » …
Portrait réalisé par sa nièce Mathilde – Marguerite HAUTRIVE 1909